Seriez-vous aujourd’hui végane si…

Piqûre de rappel : on aimerait que tout le monde devienne végane, mais seule une petite partie de la population franchit ce cap.

Bien sûr, il est possible de se lamenter de cette réalité, ou de traiter d’égoïstes ou d’hypocrites tous ceux qui ne sont pas encore véganes. Mais ce n’est pas une réaction très utile.

Pour réfléchir à ce qui serait plus efficace, examinons les schémas ci-dessous. Le diagramme en camembert* à gauche représente le petit nombre de personnes qui sont prêtes à réaliser l’effort relativement conséquent d’adopter le véganisme actuellement. L’effort que cela demande est représenté par la pente raide sur le dessin de droite.

Le travail effectué par la plupart des véganes et des militants de la cause animale consiste à essayer d’agrandir la petite zone du camembert en augmentant la motivation des gens, de sorte que davantage de personnes soient prêtes à réaliser l’effort demandé pour devenir véganes.

Je ne pense pas que ce travail suffise pour parvenir à un monde végane. Je suis néanmoins quelqu’un d’optimiste, et je suis convaincu que la plupart des gens, au fond d’eux, accordent de l’importance aux animaux et ne veulent pas leur faire de mal. Mais ils ne leur accordent simplement pas assez d’importance que pour faire autant de sacrifices (ou ce qu’ils pensent être des sacrifices).

Vous avez compris où je veux en venir : en plus d’augmenter la motivation des gens, nous devons aussi faire en sorte que la pente soit moins raide :

Concrètement, par aplatir la pente, je veux dire créer un environnement où les alternatives végétales sont si nombreuses et où la production de produits animaux devient progressivement si difficile que l’adoption du véganisme demande aux gens de moins en moins d’efforts et donc de moins en moins de motivation. Moins la pente sera raide (= plus il y aura d’options véganes), plus les gens deviendront véganes.

Certains ne se mettront au véganisme que quand la pente ressemblera à ça :

Et quelques retardataires attendront même que la pente soit comme ça :

Beaucoup de véganes déplorent et sont peinés qu’il faille autant faciliter les choses avant que les gens agissent de façon éthique. Je comprends ce ressenti. Mais je crois aussi qu’il faut se rendre compte d’une chose : ni vous ni moi ne sommes devenus véganes uniquement grâce à notre motivation morale. Sans une certaine disponibilité d’alternatives, nous n’aurions peut-être pas franchi le cap. Vous pensez peut-être qu’il ne vous a fallu que les bonnes informations ou la bonne réflexion, mais ce n’est pas vrai. Vous êtes devenu(e) végane au moment où vous avez eu assez de motivation pour gravir la pente. Certaines personnes l’ont gravie quand elle était encore extrêmement raide (comme dans les années 70).

La bonne inclinaison de la pente est spécifique à chacun de nous. Personne ou presque n’aurait pu gravir cette pente :

Et encore moins celle-ci :

Chaque cheminement est donc relatif. Nous pouvons nous réjouir de notre passage au véganisme lorsqu’il a eu lieu. Mais nous devons aussi prendre conscience que d’autres personnes ont franchi ce cap avant nous. Et nous ne pouvons exiger que tout le reste du monde le franchisse aujourd’hui. Pour que cela arrive un jour, travaillons sur la motivation ET sur la facilité du chemin à emprunter.

8 astuces pour ne pas être un végane moralisateur

On dit souvent aux véganes qu’ils sont moralisateurs. Juger les autres est humain et pour la plupart des gens, c’est probablement, plus ou moins, impossible de ne pas être dans le jugement la majeure partie du temps. Alors oui, comme n’importe qui, les véganes peuvent aussi être dans le jugement. Et nous pouvons très bien l’être plus encore que les autres, compte tenu de la conviction profonde que nous avons dans le fait qu’utiliser des animaux comme nourriture ou autre, est mal.

Cependant, les véganes peuvent également passer pour plus moralisateurs qu’ils ne le sont réellement aux yeux des autres. C’est du au fait que beaucoup de gens se sentent coupables de consommer des produits dont ils savent qu’ils ne s’accordent pas à leurs valeurs. Le jugement qu’ils ressentent de la part des véganes, pourrait donc être le propre jugement qu’ils ont d’eux-mêmes. C’est pourquoi ils seront souvent sur la défensive quand ils parleront à des véganes (ou même en étant seulement en leur présence).

Mais, que nous soyons réellement dans le jugement, ou que nous ayons seulement l’air de l’être, nous avons un gros problème dans les deux cas.

Pourquoi être ou avoir l’air moralisateur est un problème ? Tout simplement parce que la plupart des gens qui se sentent jugés seront probablement moins enclin à vous écouter et à changer. Personne (ou presque personne) n’apprécie quelqu’un qui juge. Quand quelqu’un porte un jugement (ou semble porter un jugement) les gens entendent ou lisent : « Ce que tu fais n’est pas bien. Pour la plupart d’entre nous, c’est déjà assez ennuyeux en soi, (nous n’aimons pas que l’on nous dise quoi faire – nous sommes adultes, vous savez ?) mais pire encore : dans nos pauvres esprit insécures c’est souvent facilement traduit par « Tu n’es pas quelqu’un de bien. »

Vous pourriez rétorquer : « Mais ma mère à changé après que je lui ai dit qu’elle était comme ceci ou cela. ». Peut-être, mais je soupçonne que cela signifie qu’elle avait déjà en elle les graines du changement. Il est beaucoup moins probable que ce soit votre attitude moralisatrice qui l’ai fait changer.
Vous pourriez penser : « Mais manger de la viande n’est pas bien, non ? Alors je devrais avoir le droit de porter un jugement sur ça. Je dois dire ce que je pense vraiment de ça… » Je comprend complètement. Nous sommes réellement convaincu que manger des produits d’origine animale n’est pas bien. Devrions nous prétendre le contraire ? Je ne dis pas cela. Mais, une fois de plus, avoir l’air moralisateur ne sera probablement pas utile pour ouvrir le cœur et l’esprit des gens au changement.

D’ailleurs, essayer de ne pas avoir l’air moralisateur n’est ni hypocrite, ni malhonnête. Nous avons des centaines de pensés chaque jours que nous n’exprimons pas aux gens (C’est mon cas, en tout cas). Je suis sur que ce ne serait pas avantageux si tout le monde pouvait toutes les entendre.

Donc je pense que nous ne prenons aucun risque en prétendant qu’une attitude moralisatrice n’est pas utile. En supposant que nous souhaitons aider les animaux, nous avons besoin d’ouvrir nos cœurs et nos esprits et le jugement tend à faire le contraire. Alors : comment éviter d’être dans le jugement ? Ce n’est pas facile, car les jugements sont des pensées et des sentiments et nous n’avons qu’un contrôle limité sur eux (beaucoup moins que sur nos actions et notre comportement). Mais voici quelques trucs pour essayer.

1. Développez votre vigilance (conscience de soi). Essayez de saisir les moments où vous vous trouvez dans le jugement. Cela demande de l’entraînement mais ça vaut le coup car la conscience de soi est très utile en général. Avoir conscience de ses propres défauts, saisir les moments où nous faisons des choses que nous ne voulons pas faire c’est vraiment important pour… Eh bien, pour la paix dans le monde, vous savez ?

2. Réalisez que vous ne connaissez pas les gens ou leur situation. Un bon exercice est d’essayer de penser à quelque chose que la personne que vous jugez pourrait vivre. Réaliser qu’elle pourrait avoir une bonne raison de faire ce qu’elle fait ou d’être comme elle est, pourrait vous rendre instantanément plus clément. Si vous êtes en colère contre quelqu’un de pressé qui vous bouscule dans la rue, vous pourriez réfléchir aux nombreuses raisons valides expliquant pourquoi cette personne est pressée.

3. Réalisez que tout le monde est différent. Nous avons été élevé de différentes manières, avons un profil génétique différent, des vies différentes. Voila pourquoi, certaines personnes pourraient avoir besoin de plus de temps que les autres, ou feraient les choses d’une autre manière. Vous pourriez essayer d’imaginer une ou plusieurs raisons que pourraient avoir les gens de ne pas être comme vous pour le moment.

4. Réalisez que vous n’êtes pas parfait. Ce n’est pas parce que vous êtes végane que vous êtes exceptionnel dans tous les aspects de votre vie. Cela revient encore une fois à la conscience de soi. Cela se résume au vieux proverbe : Que celui (ou celle) qui n’a jamais fauté, jette la première pierre. En d’autres termes : qui es-tu pour juger ?

5. Réalisez que vous avez (probablement) été un mangeur de viande à une époque. Vous avez fait les mêmes choses. Et si vous croyez que vous êtes devenu végane le jour ou quelqu’un vous a dit qu’il était mal de manger des animaux, lisez « Le mythe de la conversion végane instantané ».

6. Réalisez que les gens qui ne sont pas véganes pourraient accomplir d’autres grandes choses, que vous pourriez ne pas faire. Ils pourraient aider dans un refuge, être volontaires dans une organisation d’aide aux personnes, ils pourraient donner beaucoup d’argent pour la bonne cause ou autre. Et sachez que l’impact de leurs actions pourrait même être plus important que l’impact que vous avez en évitant les produits d’origine animale (Voir « Le fétiche d’être végane »).

7. Changez de perspective : pensez à une situation dans laquelle quelqu’un vous juge pour quelque chose que vous faites mal. Quelqu’un de plus végane que vous peut-être. Pensez à comment vous réagissez à ça. Essayez d’être honnête : vous pourriez penser que vous êtes Monsieur ou Madame Rationalité, qui admettra d’avoir tord et changera son comportement dans le cas ou vous auriez tord. Ca pourrait être vrai, mais ça ne l’est probablement pas.

8. Réalisez qu’essayer de ne pas être dans le jugement est une question d’efficacité et que si vous pouvez suspendre votre jugement, ce sera mieux pour les animaux, pour la personne que vous jugeriez et même pour vous.

Je vous souhaites (et à moi-même) bonne chance pour être moins moralisateur !

10 réflexions véganes à propos desquelles j’ai changé avis

Je me suis profondément investi dans la cause animale et au sein du mouvement végane, et ce depuis environ 20 ans maintenant. Vous imaginez bien qu’après tout ce temps, j’ai abouti à des conclusions et je connais deux-trois petites choses sur le sujet. Eh bien, finalement… j’en sais moins que ce que vous et moi pensions… En effet, j’ai dernièrement pris connaissance de nouvelles choses, pendant que d’anciennes croyances ou pensées ont été remises en question ou tout simplement balayées. Une fois, cela s’explique par le temps que j’ai passé à écrire et à réfléchir sur mon blog and sur mon prochain livre. Une autre fois, j’ai été influencé par la philosophie – et par beaucoup de gens de The Effective Altruism movement, tout comme par des gens du Animal Charity Evaluators, de Faunalytics, et même de personnes venant du mouvement DxE (Direct Action Everywhere). Donc voici quelques conclusions auxquelles je suis parvenu ou auxquelles j’ai commencé à réfléchir récemment…

1. Le bien-être et la souffrance sont importants

Comme beaucoup de personnes impliquées dans le mouvement animaliste luttant en faveur des droits des animaux, je pensais qu’il ne s’agissait que d’une simple question de droits fondamentaux. Aujourd’hui, je pense que ces droits sont plus un moyen pour parvenir à une fin, principalement utile dans le fait qu’ils peuvent aider à empêcher des êtres vivants d’être blessés. Quelque part, le bien-être est devenu quelque chose de péjoratif dans notre mouvement, alors qu’il ne le devrait pas.

2. Les poulets et poissons sont également importants

Les principales victimes de nos habitudes de consommation sont de loin les poulets et les poissons. Ce sont de petits animaux, donc nous pouvons facilement en manger beaucoup, alors qu’ils souffrent tout autant. Ils méritent de fait une plus grande attention de notre part.

3. Au-delà du végétalisme 1 : la souffrance des animaux sauvages devrait également être prise en compte dans nos efforts

Les animaux ne sont pas seulement maltraités et tués par les humains : bien plus d’animaux souffrent de la faim, du froid, des prédateurs, des parasites et des maladies dans la nature. Si nous aimons tant les animaux, nous devrions également nous occuper des animaux sauvages, en étant ouvert d’esprit sur ce que l’on peut ou pourra faire pour eux dans le futur (voir l’article «La vérité dérangeante sur la souffrance des animaux sauvages : The extremely inconvenient truth of wild animal suffering).

4. Au-delà du végétalisme 2 : il existe une autre souffrance que celle des animaux humains et non-humains

Toujours plus loin dans mes réflexions (grâce à l’ «Effective Altruism»), j’ai commencé à m’intéresser à la terrifiante possibilité qu’il puisse exister une sentience artificielle (oui, oui) dans le futur. Si nous commençons à réfléchir et à agir dès maintenant contre ceci, nous pouvons peut-être empêcher un nombre astronomique de souffrances dans les siècles à venir. Après le spécisme, il y aura… le substratisme : peu importe que tu sois vivant ou non, la seule chose qui importe est la sentience.

5. Il y a des choses bien plus importantes que le simple fait d’être végane

Oui, bien sûr, nous avons un réel impact via ce que nous mettons dans notre bouche. Et, de fait, en étant végane. Mais être un bon porte-parole et militer au quotidien pour les animaux est sûrement bien plus important encore (voir l’article «L’obsession d’être végane » : The fetish of being vegan)

6. L’argent est l’une de nos ressources cruciales

Nous sommes tous très véganes, mais combien donnons-nous ? Nous parlons du véganisme, mais si nous faisons des dons, est-ce que l’on encourage notre entourage à faire de même ? Avec notre argent, nous pouvons avoir un impact bien plus important qu’avec notre propre consommation seule. Et gagner de l’argent pour financer d’autres défenseurs des droits des animaux peut être un moyen très efficace de soutenir et de diffuser davantage le mouvement (voir les articles «Il est temps de faire des dons» et «Investir dans notre mouvement» : Time to donate,and Money Money Money in our Movement)

7. Le mouvement végane n’est plus nécessairement le joueur principal

Auparavant, il y avait juste nous, le mouvement végane luttant en faveur des animaux. Mais maintenant, moins directement, il y a une grande influence émanant du secteur du commerce : «Impossible Foods», «Hampton Creeks» et «the Beyond Meats», entre autres, jouent tous un rôle dans la perturbation d’une industrie toute entière et dans la création d’un changement incroyable (voir l’article «Et si les véritables avancées vers un monde végane ne sont pas essentiellement dues aux véganes eux-mêmes ? : What if the real push towards a vegan world did not come from vegans?).

8. La technologie et les OGMs à la rescousse

Les révolutions technologiques peuvent apporter des révolutions morales. Nous avons déjà vu quelques alternatives très prometteuses pour des produits animaux, mais il y a beaucoup d’autres choses à venir. Une chose qui également changé en moi est ma vision des OGMs. J’étais autrefois contre ces derniers, parce que je n’ai jamais réellement examiné le sujet en détails et j’étais consciemment aveuglé par ce que j’en entendais autour de moi. Grâce à quelques amis, et grâce au site vegangmo.com , mon opinion sur le sujet a pas mal évolué, et je peux maintenant apercevoir à quel point ils pourraient être très bénéfiques dans la lutte contre l’exploitation et la souffrance animale. Le terme «naturel» importe finalement peu (voir l’article «Qu’en est-il des OGMs et des alternatives technologiques aux aliments d’origine animale : What about GMO’s and hi-tech animal food alternatives).

9. Nous devrions investir davantage dans la recherche

Parce que beaucoup de choses sont incertaines, et parce qu’il y a toujours des opportunités de faire de nouvelles découvertes, nous devons investir suffisamment de ressources dans la recherche et ainsi voir ce qui fonctionne vraiment. Nous devons nous y prendre sans suivre de dogmes particuliers, ouverts à tous les résultats que nous pourrions trouver. Ce qui m’amène à mon dernier point…

10. L’ouverture d’esprit est bien plus importante que ce que je croyais

Lorsque je regarde ma liste et que je remarque à quel point je me suis mis à jour dans tel ou tel domaine important, je me dois de conclure que garder un esprit ouvert est bien plus important que ce que j’imaginais. En revanche, je suis clairement allergique aux dogmes. Tandis que l’ouverture d’esprit permet un apprentissage remplit de remises en question, de nouvelles découvertes et d’améliorations, les dogmes empêchent à la fois d’apprendre et de s’améliorer – qui sont pourtant deux principes fondamentaux, surtout lorsque autant de questions et réflexions importantes sont en jeu.

Toutes ces questions sont des ouvertures vers d’autres réflexions. Cette constante évolution, ces doutes et ces incertitudes ne devraient cependant pas nous paralyser. Il y a ici plusieurs théories, stratégies et tactiques qui sont prometteuses. Nous sommes engagés dans cette lutte sur le long terme, et nous pouvons ralentir un peu pour tester celle-ci et faire des recherches, pour ensuite, avec les meilleures preuves et arguments que nous aurons trouvé, nous améliorer et prêter plus ou moins d’attention à telle ou telle stratégie.

Être végane signifie arrêter de manger des produits animaux, cela ne veut pas dire arrêter la réflexion.